Crédits

Retour aux productions

Produit par

InformAction

Produit avec la participation financière de

SODEC Soci?t? de d?veloppement des entreprises culturelles ? Qu?bec (Programme d'aide aux jeunes cr?ateurs)

Gouvernement du Qu?bec Cr?dit d?imp?t cin?ma et t?l?vision - Gestion SODEC

Fonds canadien du film et de la vid?o ind?pendants

Gouvernement du Canada Cr?dit d'imp?t pour film ou vid?o canadien

et la collaboration de

RDI

PERSONNAGES PRINCIPAUX

Retour aux productions

Les ouvriers

Jean-Claude Couture, ouvrier :
Quand Jean-Claude a commencé à travailler à l’usine, il avait vingt ans. Aujourd’hui, il en a cinquante-deux. Employé méticuleux et excellent meneur d’hommes, il a acquis à l’usine un statut de vieux sage, et est respecté autant par les patrons que les employés. Avec le départ de Whirlpool, c’est une grande partie de sa vie qui s’en va : « Les pensées négatives, c’est de s’imaginer et d’accepter que tantôt, on va être sur la case départ. Tu recommences à zéro… Je n’aime pas en parler. C’est quelque chose que je trouve dur, parce que je suis encore attaché à ce que je fais… »

Réjeanne Labonté-Couture, épouse de Jean-Claude :
Ayant eu à prendre de grosses responsabilités très jeune, Réjeanne est une femme d’action qui, contrairement à la plupart des Magnymontois, ne se résigne pas à l’idée de la fermeture de l’usine. Elle tente d’organiser une manifestation de solidarité, même si son époux Jean-Claude pense que cela ne servira à rien : « Ça ne se peut pas que le monde de Montmagny va se laisser écraser de même et ne parlera pas.  Il me semble que ça se peut pas. À n’importe quelle autre petite place, on se dit : « C’est pas gros … », mais à Montmagny, non. »

Daniel Corriveau, ouvrier :
Motard et mécanicien à temps partiel, ouvrier, mari et père de deux fillettes à temps plein, Daniel ne manque pas de ressources, ce qui ne l’a pas empêché de tomber en dépression après l’annonce de la fermeture. Depuis, il s’en est remis, et entretient maintenant l’ambition d’améliorer sa situation professionnelle, quand Whirlpool sera partie : « Une job, c’est quelque chose que n’importe qui peut faire. Tu peux t’en aller, ils en mettent un autre à ta place. Ça, c’est une job… J’aime plus ce mot-là, job. J’aimerais faire mon affaire.  J’aimerais ça faire carrière dans quelque chose… »

Christine St-Pierre, ouvrière et épouse de Daniel :
Grâce à Whirlpool, Christine peut offrir des conditions de vie décentes à sa petite famille. Mais le travail de nuit lui pèse. L’argent fait-il le bonheur ?

Suzie Caron, ouvrière :
Grâce à son emploi dans l’usine de la rue Saint-Jean-Baptiste, Suzie a gagné une nouvelle assurance et s’est fait des amis. Mère monoparentale de deux garçons, chez elle, les horaires sont serrés. Et le budget aussi : « C’est certain que je vais avoir un bon chômage, mais avec les enfants, je ne peux quasiment pas me permettre d’arrêter de travailler.  Je vais avoir l’air de quelqu’un qui n’a peur de rien, mais par en-dedans, ça brasse, c’est terrible… »

Les jeunes ouvriers :
Pour de nombreux jeunes magnymontois, le départ de Whirlpool, c’est loin d’être un drame. C’est même une source de nouvelles possibilités : « Nous autres, on est privilégiés puisque Whirlpool est une multinationale. Il y a un comité de reclassement qui nous passe tous en entrevue, qui prend notre cas, cas par cas. Ils payent le monde pour aller à l’école… » En masquant leur inconfort par des rires, certains présagent un avenir très sombre aux plus âgés : « Il y a juste quatre suicides à date à la shop, mais lorsque leur prime sera flambée, je peux-tu te dire qu’il y va en avoir une couple de pendus… Plus d’argent, une maison, deux chars, une femme, deux flos à l’école : ça va aller ben…»

Les intervenants politiques
Jean-Claude Croteau, maire de Montmagny : Le jour de l’annonce de la fermeture, le maire Croteau a reçu un appel du chef des opérations nord-américaines de Whirlpool lui demandant de prendre la responsabilité de la relance de l’usine. Une lourde tâche qu’il a acceptée. Depuis, dans l’esprit de bien des Magnymontois, ce retraité du monde de l’éducation est devenu, à tort ou à raison, celui qui porte sur ses épaules l’avenir des travailleurs de la plus grosse usine de la région : « J’ai un regret, qui a été d’être trop enthousiaste au début et de croire qu’avec cette usine qui m’impressionnait, avec un personnel qui est souriant même si on vient d’annoncer qu’[il] ne travaillera plus dans deux ans… Mon erreur, ça a été de penser : « C’est correct, on va trouver quelqu’un ça sera pas long… » »

Ivan Ménard, consultant en développement industriel :
Disposant d’une bonne crédibilité dans le milieu, M. Ménard été engagé par la Ville et le CLD de Montmagny pour trouver un acheteur à l’usine, 17 mois après l’annonce de la fermeture. C’est l’intervenant qui possède le plus de recul face à ce qui se passe à Montmagny : « Le maire avait une approche où il pensait que Whirlpool allait aider [ceux qui voulaient relancer l’usine]. Je n’ai pas de problème avec la vision, sauf que les objectifs de la région et les objectifs de Whirlpool n’étaient pas convergents dans la fermeture. L’approche a été très positive, avec peut-être un manque de réalisme. Les gens qui étaient confrontés au problème n’avaient pas d’expérience là-dedans. »

Gilbert Normand, député libéral au fédéral (1997-2004) et ancien maire de Montmagny :
Gilbert Normand est un politicien flamboyant et rusé, pour qui le comité de relance du maire Croteau est une perte de temps. Même s’il a été en contact avec des acheteurs potentiels de l’usine, Gilbert Normand croit que ce n’est pas aux élites politiques de la vendre : « [Les gens de] Whirlpool nous disent qu’ils ferment, mais ils n’ont jamais fait aucun effort pour vendre la bâtisse, pour vendre leurs vieilles chaussures… Pourquoi ça serait moi, ou le maire, ou le député provincial qui serait obligé de vendre leurs guenilles ? C’est pas à nous de faire ça… »


Contexte

Retour aux productions


Montmagny

Située au bord du fleuve, à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Québec, Montmagny est le chef-lieu historique de la Côte-du-Sud et l’une des plus importantes villes de la région administrative de Chaudière-Appalaches. Elle compte près de 12 000 habitants et est fréquentée sur une base régulière par les gens vivant dans les villages et les villes des alentours, comme Cap-St-Ignace, L’Islet ou Saint-François de la Rivière du Sud.

Montmagny a des racines profondes. C’est en 1670 qu’un premier groupe de colons français s’y est établi. À l’époque, c’était Charles Huault, sieur de Montmagny, qui était gouverneur de la Nouvelle-France. D’abord agricole, la région a pris le train de l’industrialisation à la fin du 19ème siècle, au temps d’Amable Bélanger, le fondateur de l’usine au cœur de notre histoire. Aujourd’hui, près de 40 % des gens de la région travaillent toujours dans des industries. Pour l’ensemble du Québec, la proportion est d’une personne sur cinq. D’ailleurs, le revenu médian dans les MRC de Montmagny et de l’Islet tourne autour des 17 000 $, soit 3000 $ de moins que la médiane provinciale.

Avant le départ de Whirlpool, le taux de chômage y était relativement bas, une mesure d’évaluation cependant incomplète, puisque de nombreux habitants de la région ne sont plus comptabilisés comme faisant partie du marché du travail (parce qu’ils sont retraités, malades ou assistés sociaux, par exemple). Par ailleurs, il est à noter que près d’une personne sur trois est considérée comme analphabète dans Montmagny-L’Islet.

Dans ce contexte, il paraît logique de se demander si Montmagny possède ce qu’il faut pour faire face aux changements structurels qui révolutionnent notre économie

L’usine Bélanger : 
C’est en 1867 qu’Amable Bélanger, fils de cultivateur du coin, établit sa première fonderie à Montmagny. On y fabrique d’abord des instruments aratoires, auxquels s’ajoutent plus tard les fameux poêles qui donneront toute sa réputation à la compagnie.  Rapidement, celle-ci prend de l’expansion et devient l’un des plus importants employeurs de la région. Pendant la Première Grande guerre, l’entreprise est vendue à des hommes d’affaire de Québec, mais elle garde le nom Bélanger.

Dans les années 50, la compagnie commence à produire des cuisinières électriques. Elle ne restera cependant pas cantonnée à ce type d’électroménagers. Dans son histoire, l’usine de Montmagny produira aussi des réfrigérateurs, des sécheuses et des machines à laver.

En 1979, la compagnie achète la Corporation Admiral du Canada, pour faire faillite deux ans plus tard. L’usine abandonnée sera ensuite reprise par Inglis – le fleuron de l’électroménager canadien anglais, et ne fabriquera à partir de ce moment que des cuisinières. À la fin des années 80, Inglis sera à son tour rachetée par la multinationale américaine Whirlpool. Pour profiter d’économies d’échelle, Whirlpool annoncera au printemps 2002 son intention de quitter Montmagny au bout de deux ans, ce qu’elle fera le 13 mai 2004.

Avant la fermeture, l’usine comptait plus de 600 travailleurs, payés en moyenne 18 dollars l’heure. Elle était donc l’employeur le plus important (une masse salariale de 22 millions), le plus ancien, et l’industrie offrant les meilleurs salaires de la région.

La multinationale américaine Whirlpool : 
Whirlpool Corporation est le plus important manufacturier d’électroménagers dans le monde, amassant des revenus de 12 milliards $ US par année et employant près de 68 000 personnes. La multinationale américaine commercialise les produits Whirlpool, Inglis, KitchenAid et Roper, entre autres, dans plus de 170 pays.

La fermeture de l’usine à Montmagny était la cinquième du genre à être effectuée par Whirlpool au Canada. Il ne reste plus d’usine Whirlpool au pays.

Cela n’a pas empêché le journal La Presse de l’inclure dans son palmarès des 50 employeurs de choix 2005, dans le cadre d’une étude menée par la firme de consultants en ressources humaines Hewitt et Associés.


Festivals

Retour aux productions

Prix G?meaux Nomination pour Meilleur documentaire: soci?t? 2006

Note d'intention

Retour aux productions

Il y a un tremblement de terre qui secoue le Québec ces temps-ci. Au cours des dernières années, des milliers de travailleurs ont perdu leur job dans des mises à pied massives. Que ces gens se soient saignés à blanc pour leur travail, qu’ils y aient mis toute leur âme, qu’ils y aient laissé leur santé et leur fierté importe peu.  Money talks.
 
À Montmagny, ils sont nombreux à gagner leur vie dans l’industrie manufacturière. Et jusqu’en mai 2004, c’était l’ancienne usine Bélanger, devenue Whirlpool, qui employait le plus de monde, en plus d’offrir les salaires les plus intéressants de la région. Jusqu’à sa fermeture… 
 
Avec le départ de Whirlpool, Montmagny devient de plus en plus vulnérable. Même si la déchirure se fait lentement, les primes de séparation des anciens travailleurs s’écoulent sûrement, et l’assurance-chômage aussi. Trouver un nouveau travail est difficile, et les salaires qu’on offre ailleurs forcent les budgets serrés. Un constat guère surprenant : dans un contexte de libéralisation des marchés, les jobs d’usine qui ne demandent pas de spécialisation particulière sont de moins en moins prometteuses. Sauf si on habite en Chine…
 
Montmagny n’est pas la seule à lutter pour survivre. Le drame est le même à Huntingdon, à Murdochville, à La Baie, à Chandler, à Danville, à St-Jérôme, à Contrecœur… On s’en rend compte surtout en région, parce que les milieux sont tissés serré et qu’on est souvent plus dépendant de ce type d’industries. Mais des pertes d’emploi, il y en a aussi à Montréal… 
 
Ces gens qui se retrouvent sur la paille sont de la même race que ceux qui ont forgé notre pays par leur labeur, et il me semble que la société a une dette envers eux. Tout comme ces compagnies qui se sont enrichies avec l’huile de bras  des travailleurs et qui aujourd’hui s’en servent pour mieux se faufiler loin d’ici. 
 
Ce qui se passe à Montmagny, comme ailleurs, nous concerne tous. Je crois que ce n’est pas qu’une question morale; c’en est d’abord une d’intelligence.
 
Pouvons-nous imaginer un Québec en santé sans ses régions ? Voulons-nous d’un terroir meurtri, nourri à la frustration des laissés pour compte ? Déjà, on la sent dans la rue, dans les bars, à la radio, dans notre démocratie. Il devient urgent de dompter le libéralisme sauvage avant que cela ne dégénère.
 
J’ai voulu faire ce film pour dire aux travailleurs qui perdent leur job que ce qu’ils vivent me préoccupe. 
 
Et que je suis sûr de ne pas être le seul à penser de même.

Vincent Audet-Nadeau

Résumé court

Retour aux productions

Une petite ville à l’est de Québec perd son employeur le plus important. En quittant la région de Montmagny, la multinationale Whirlpool met fin à 137 ans d’histoire. Pour comprendre ce qui se passe dans sa ville natale, le cinéaste est entré dans le monde de ceux qui étaient les plus touchés, du travailleur âgé au maire de la ville, en passant par les plus jeunes ouvriers. 

Résumé long

Les gens de Montmagny étaient fiers de leur usine, car elle était le symbole de la vitalité économique de leur région depuis plus d’un siècle. Mais le 13 mai 2004, dans ce pays où l’on gagne sa vie dans des usines depuis des générations, le flambeau s’est éteint. Ce jour-là, le plus gros employeur de la région a fermé ses portes, mettant fin à 137 ans d’histoire. En transférant sa production aux États-Unis, le géant américain Whirlpool est parti avec les jobs de plus de 600 travailleurs.
 
Ça faisait plus de deux ans que Whirlpool avait annoncé son intention de partir. Et pourtant, pendant tout ce temps, les Magnymontois sont restés silencieux. Comme si rien n’allait changer… 
 
Pour comprendre ce qui se tramait dans sa ville natale, avant et après la fermeture, le cinéaste Vincent Audet-Nadeau est entré dans le monde de quelques-uns de ceux qui étaient directement touchés. Des travailleurs, d’abord, mais aussi leur entourage. Il est allé voir Daniel le motard, Jean-Claude l’ouvrier d’expérience, Réjeanne la fonceuse, Suzie la mère monoparentale, David le cynique…  À l’autre bout du drame, le cinéaste a aussi rencontré les élites politiques, envers qui les attentes sont grandes, malgré les embûches et un contexte économique dans lequel Montmagny ne vaut pas grand-chose… 
 
On ne perd pas un symbole de fierté sans douleur. Avec le départ de Whirlpool, c’est toute une façon d’être, de vivre, de penser et d’agir qui disparaît.
 
Montmagny n’est pas la seule à lutter pour sa survie par les temps qui courent. Son drame, c’est celui des régions du Québec.